[Interview] Le Collectif Curry Vavart : l’urbanisme transitoire culturel et engagé à Paris

  • Publication publiée :8 juillet 2022
  • Post category:Actualités
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Le point de vue de l’expert

Vincent Prieur, Cofondateur du Collectif Curry Vavart

Pouvez-vous nous présenter l’activité de votre collectif Curry Vavart et son origine ?

Dans le contexte difficile du foncier parisien, rare et cher, le Collectif Curry Vavart a été créé en 2006 par des militant-es associatifs et créateur-trices précaires, pour développer des lieux culturels abordables, proposant à la fois des espaces de travail partagés accessibles aux plus précaires, une programmation artistique variée, centrée sur la création émergente, et de nombreux projets ouverts sur les quartiers.

Le collectif s’est beaucoup développé en 15 ans, il compte aujourd’hui une petite équipe de 5 salariées, une centaine de bénévoles engagés dans la gestion quotidienne de 5 lieux de création parisiens – parmi lesquels un équipement municipal. Ces lieux inédits accueillent chaque année près de 2500 usager-ères, plusieurs centaines de projets et impliquent de nombreux partenaires.  

En quoi le récent développement de l’urbanisme transitoire soutient-il votre projet ?

Plusieurs années d’actions revendicatives et d’occupations de bâtiments abandonnés privés nous ont permis de faire connaitre notre projet et nous avons signé nos premières conventions d’occupation temporaire en 2011, avec la SNCF d’une part, et la Ville de Paris d’autre part, nos deux premiers partenaires.

L’urbanisme transitoire est entré progressivement dans les pratiques urbaines vertueuses, notamment grâce à la Charte de l’Urbanisme Transitoire initiée par la Ville de Paris et nous avons travaillé depuis avec la RIVP, Paris Habitat, 3F, Logis Transport et le GIE Paris Commerces que nous  remercions pour leur confiance.

L’idée principale reste de mettre à disposition au prix des charges, ou pour une participation symbolique, des bâtiments temporairement désaffectés et en attente de réhabilitation, et ainsi valoriser l’usage de ces bâtiments pour la collectivité. Tout le monde y gagne : les bailleurs économisent de lourds frais de gardiennage et les porteurs-euses de projets bénéficient d’espaces de travail abordables. Ces projets transitoires deviennent aussi souvent des lieux de rencontres, d’échanges et de vie de quartier.

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©Curry Vavart

Quels projets avez-vous menés avec le GIE Paris Commerces ?

Nous avons mené plusieurs projets avec le GIE Paris Commerce dans les 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris, principalement sur des petits pieds d’immeubles qui intéressent moins les grosses structures d’urbanisme transitoire. Actuellement, nous intervenons sur le réaménagement du quartier Python-Duvernois dans le 20e où une trentaine d’artistes travaille dans des ateliers temporaires. Plusieurs expositions et rencontres ont déjà été organisées avec des scolaires et associations de quartier.

Quels impacts vos occupations transitoires ont-elles sur le quartier et ses habitant-es ?

Nous programmons systématiquement des animations culturelles en direction des jeunes et habitant-es des quartiers où nous installons des lieux temporaires, notamment dans les quartiers prioritaires. Nous mettons également nos savoir-faire au service des habitant-es, pour apporter par exemple notre aide à la fête du quartier. Nous menons aussi des actions de solidarité pour les plus démunis : aide alimentaire, soutien logistique et confection de masques pendant la pandémie par exemple.  Nous travaillons avec les bailleurs sociaux, les structures de prévention, les associations de quartier et nos artistes résident-es pour multiplier les ateliers et rencontres conviviales, pour que ces lieux inédits s’ouvrent à leur quartier et puissent bénéficier au plus grand nombre. C’est notre priorité.

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©Curry Vavart
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Qu’est-ce qui distingue aujourd’hui Curry Vavart des nombreux autres projets d’urbanisme transitoire menés notamment à Paris ?

L’urbanisme transitoire et les occupations temporaires se sont énormément développés ces 5 dernières années notamment à la faveur de projets de grande taille, très médiatisés comme les Grands Voisins. Ce faisant, des structures spécialisées issues de l’évènementiel, de l’urbanisme et de l’architecture se sont imposées comme interlocuteurs et intermédiaires majeurs des aménageurs et pouvoirs publics. Pour financer ces structures, les coûts de gestion et de coordination des projets sont de plus en plus répercutés sur des usagers-ères déjà précaires, avec des locations d’espaces en hausse constante, ce qui tend à altérer les valeurs fondatrices de ces projets.

De notre côté, nous privilégions l’engagement associatif et bénévole de coordinateurs-trices de lieux – souvent artistes ou travailleurs associatifs eux-mêmes usagers des locaux,  pour animer et autogérer les lieux que nous ouvrons, et ainsi répercuter le moins de charges possibles sur les usagers-ères accueillis en résidences.

Nous soutenons par ailleurs le fait que l’urbanisme transitoire en direction des usagers-ères les plus précaires devrait être plus largement soutenu par la puissance publique comme un service d’intérêt général rendu nécessaire dans les grandes métropoles subissant une forte pression foncière.

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©Curry Vavart

Quels sont les prochains défis du Collectif Curry Vavart ?

Défendre des lieux de création abordables pour les plus précaires, des lieux de solidarité ouverts sur la ville, reste notre objectif principal, mais ce n’est pas lucratif et notre modèle économique reste fragile. Nous devons trouver à cet effet des ressources complémentaires.

Par ailleurs, le Shakirail – lieu culturel et solidaire du 18e, projet d’urbanisme transitoire en partenariat avec la SNCF depuis 11 ans – vient d’être labellisé Fabrique de Territoire par l’État, un récent programme de soutien national orienté sur les très médiatisés tiers-lieux. Cette labellisation confirme paradoxalement l’importance durable de ce lieu ressource pour son territoire, alors qu’il était initialement un projet transitoire. Nous sommes nombreux à penser désormais qu’il devrait être pérennisé comme un bien commun pour Paris. C’est un changement de paradigme.  

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