[INTERVIEW] Stéphane Lecler : la révision du Plan Local d’Urbanisme de Paris

  • Publication publiée :7 septembre 2021
  • Post category:Actualités
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Crédit photo : Joséphine Brueder / Ville de Paris

Le point de vue de l’expert

Interview de Stéphane Lecler, directeur de l’urbanisme de la Ville de Paris, autour de la révision du Plan Local d’Urbanisme de Paris.

La révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) a été engagée par délibération en Conseil de Paris en décembre 2020. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un PLU et les principaux enjeux de cette révision ?

Le Plan Local d’Urbanisme est à la fois le projet qu’une collectivité porte pour le développement de son territoire et le règlement qui encadre l’ensemble des constructions sur ce territoire.

Il s’agit en même temps d’un document stratégique qui fixe le cap d’un développement harmonieux et équilibré d’une ville et d’un outil opérationnel qui permet d’instruire et de délivrer les opérations d’urbanisme.

Le PLU en vigueur à Paris, qui date de 2006, a été précurseur dans de nombreuses dimensions, notamment dans le champ du logement afin de permettre aux classes moyennes et populaires de continuer à habiter à Paris malgré l’explosion des prix du logement privé. Et les résultats ont été au rendez-vous puisque le logement social est passé de 13 à 22% du nombre total de logements en 20 ans, et que des arrondissements qui ne comptaient que très peu de logements sociaux ont vu un rééquilibrage important.

Les nouveaux enjeux, telle l’accélération du dérèglement climatique, du recul de la biodiversité ou encore l’essor des inégalités territoriales dans le Grand Paris, imposent de franchir une nouvelle étape. La Maire de Paris Anne Hidalgo et son Premier adjoint en charge de l’urbanisme Emmanuel Grégoire ont donc décidé de réviser le PLU. L’objectif est d’élaborer le premier PLU Bioclimatique de France afin de permettre à notre ville de respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus par l’Accord de Paris sur le Climat de 2015 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

La crise sanitaire et les confinements successifs confortent la nécessité de transformer l’urbanisme afin d’offrir aux citadins davantage d’espaces de nature et de respiration, des logements plus grands et confortables, avec des espaces extérieurs, et qui soient mieux adaptés au télétravail, et d’offrir encore davantage de logements aux emplois de première ligne (professions médicales, policiers, agents de propreté, employés des commerces, etc.) qui sont essentiels au fonctionnement de la ville.


Quels sont les enjeux spécifiques pour le commerce à Paris ? Comment sont pris en compte les besoins des commerçants et artisans dans le cadre de l’exercice de leur activité (déplacements, stationnement, terrasse, places de livraisons etc.) ?

La place du commerce est un enjeu essentiel pour la qualité de vie en ville et le lien social, pour la promotion des circuits courts et plus généralement pour ce qu’on appelle la Ville du quart d’heure.

Paris est la ville de France qui compte la plus forte densité de commerces, notamment commerces de bouche qui contribuent à la qualité de l’alimentation, et commerces culturels à l’image des librairies qui sont partie intégrante de l’identité de notre ville.

Le maintien de cette densité et de cette diversité commerciale est le résultat de politiques publiques mises en œuvre sur la durée, qui mobilisent de nombreux outils tel l’urbanisme réglementaire ou les préemptions de locaux commerciaux dans des quartiers menacés par la mono-activité ou la vacance.

Le PLU de Paris contribue à la vitalité commerciale en protégeant plus de 300km de « rues marchés » et en encadrant les transformations de commerces. Les commerces artisanaux, qui produisent sur place ce qu’ils vendent, bénéficient d’une protection particulière car ils contribuent à la qualité de l’alimentation et au savoir-faire de nos artisans qui sont réputés dans le monde entier.  

Mais le commerce est confronté aujourd’hui à 2 menaces majeures : d’une part l’essor du e-commerce, qui s’est accéléré avec la crise sanitaire, et ses produits dérivés tels que les « magasins virtuels » (dark stores) et les « restaurants virtuels » (dark kitchens), qui fragilisent de nombreux commerces et font croître le taux de vacance. Et d’autre part la multiplication des meublés touristiques type Airbnb qui profitent de la fragilisation de nombreux commerces pour prendre leur place.


Le PLU en vigueur prévoit des dispositions de protection du commerce et de l’artisanat volontaristes qui ont contribué au maintien de la diversité commerciale et au renforcement de sa vitalité.
Ces protections du commerce seront-elle reconduites ? Vont-elles évoluer ?

La municipalité souhaite non seulement maintenir les protections existantes mais également les renforcer et les étendre afin d’apporter des réponses aux nouveaux défis auxquels est confronté le commerce. L’objectif est également de développer le commerce de proximité dans certains quartiers de la capitale où il peine à s’implanter. Et nous devons également accompagner les commerces dans le développement des circuits courts et dans le recours à une logistique plus durable. Enfin, les commerces contribuent également à la beauté de Paris et le nouveau PLU comportera des dispositions afin de s’assurer une haute exigence, notamment pour ce qui concerne les vitrines.

Pour cela nous avons besoin que la réglementation nationale qui encadre les PLU évolue elle aussi afin de donner de nouveaux outils aux collectivités locales. La Ville de Paris a alerté le Gouvernement sur cet enjeu majeur.


Les commerçants et artisans sont-ils associés à cette réflexion ? Comment peuvent-ils contribuer à la réflexion en cours et alimenter le projet d’aménagement par exemple ?

La révision du PLU fait l’objet d’une vaste concertation avec l’ensemble des parties prenantes à chaque étape de ce processus d’une durée de 3 ans.

Le diagnostic de la situation actuelle du territoire parisien a ainsi été présenté et débattu au printemps dernier lors de réunions publiques qui se sont tenues dans chaque arrondissement et nous sommes allés au devant des habitants avec des kiosques ambulants et des marches exploratoires dans les quartiers. L’ensemble de la population, des entreprises et des institutions concernées ont pu exprimer leurs attentes sur un site internet dédié (idees.paris.fr). Les milliers de contributions reçues vont nourrir un débat au Conseil de Paris à l’automne, qui fixera les orientations du nouveau PLU. Le nouveau projet d’aménagement et de développement durables de la capitale et le nouveau règlement d’urbanisme seront ensuite soumis à la concertation courant 2022.

L’ensemble des commerçants et leurs groupements professionnels sont bien sûr invités à nous faire part de leurs propositions.


Dans quel calendrier s’inscrit-on ? Quand le nouveau document s’appliquera -t-il ?

Le projet de nouveau PLU sera approuvé par le Conseil de Paris fin 2022, à l’issue de ces différentes concertations. Il sera ensuite soumis à enquête publique réglementaire au premier semestre 2023 en vue de son adoption définitive fin 2023.

Il faut par ailleurs noter que dès lors que les orientations du nouveau Plan Local d’Urbanisme de Paris et ses principales dispositions auront été définies, la Ville pourra opposer un sursis à statuer à des demandes d’autorisations d’urbanisme qui iraient à l’encontre des objectifs du nouveau PLU. Ainsi, il ne sera pas nécessaire d’attendre l’adoption définitive du nouveau PLU afin qu’il commence à produire ses effets.

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