[Interview] Ivoa Alavoine, Déléguée générale aux Jeux Olympiques et Paralympiques

  • Publication publiée :21 septembre 2023
  • Post category:Actualités

Le point de vue de l’expert

Ivoa Alavoine, Déléguée générale aux Jeux Olympiques et Paralympiques

L’accueil à Paris des Jeux Olympiques et Paralympiques est un évènement historique. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes ?

Historique oui ! Les derniers Jeux Olympiques se sont déroulés il y a cent ans et c’est la première fois que Paris accueillera les Jeux Paralympiques. C’est une opportunité extraordinaire compte tenu du dimensionnement de l’événement avec près de 15 000 athlètes, plus de 200 délégations étrangères, 25 000 médias, des millions de spectateurs et de visiteurs. Le monde va regarder Paris. C’est pour cette raison que notre choix d’engager la Ville s’est faite à la condition de revoir le modèle des Jeux. A la fois pour que son organisation soit exemplaire d’un point de vue environnemental et pour que les retombées qu’il génère soit profitables socialement. La finale du 100 mètres dure 10 secondes, notre objectif ce n’est pas la compétition pour la compétition, c’est de nous servir de cet événement sans équivalent pour accélérer nos politiques publiques et créer un héritage durable pour le territoire. Enfin, les Jeux seront une grande fête populaire avec des cérémonies spectaculaires sur la Seine et la Concorde, un relais de la flamme qui va traverser tous les arrondissements de Paris et en montrer toute la richesse, des sites d’animations et de festivités qui vont également dans cet esprit avec des lieux emblématiques comme Trocadéro, la Villette, le parvis de l’Hôtel de Ville et le long des canaux et de la Seine, mais aussi des lieux de proximité au cœur de nos quartiers.   

Vous parlez de nouveau modèle des Jeux. Que cela signifie-t-il concrètement ?

Si je devais le résumer en un chiffre, c’est l’objectif de réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport aux éditions précédentes. Cet engagement se décline à tous les niveaux : un concept des sites compact avec 22 sports- sur 32 dans un rayon de 10km autour du village des athlètes afin de limiter les déplacements, des nouvelles constructions en faible quantité et alignées sur les exigences de la transition climatique, la réduction des déchets, l’approvisionnement en énergie renouvelable, 100% de l’alimentation certifiée durable, ou encore le recours aux transports en commun et au vélo. Ces objectifs, parce qu’ils sont ambitieux, mobilisateurs et à brève échéance, vont nous permettre de transformer en profondeur notre Ville et de laisser un héritage à la hauteur de l’enjeu climatique. Je pense à la suppression du plastique à usage unique, la transformation du périphérique pour favoriser les déplacements les plus vertueux ou encore à la baignabilité de la Seine en améliorant la qualité de l’eau. C’est un résumé centré sur notre ambition environnementale mais nous sommes la première Ville hôte des Jeux à avoir anticipé son héritage dès la phase de candidature, ce qui a conduit au programme Transformations Olympiques travaillé avec 10 000 Parisiennes et Parisiens sur des sujets aussi différents que l’éducation par la sport, l’inclusion des personnes en situation de handicap, la place des femme dans l’espaces public, l’engagement citoyen ou encore le rapprochement entre les Arts et les Sports. 

Quelle place donnez-vous aux acteurs économiques dans cette transformation de la Ville ?

Nous avons, en avril 2023, lancé la première certification zéro plastique pour les acteurs économiques. Plus de 100 acteurs se sont engagés avec parmi eux des opérateurs touristiques, des établissements de nuit ou encore des commerces alimentaires. Je veux saluer cette implication dans cette démarche qui est également un atout vis-à-vis des consommateurs qui modifient leurs habitudes de consommation face à l’enjeu climatique. Nous avons sollicité également les acteurs économiques pour s’inscrire dans la dynamique de la mise en accessibilité de la Ville. Nous accueillerons près de 350 000 personnes en situation de handicap et nous le savons, le compte n’y est pas encore. Si des dispositifs provisoires vont assurer l’expérience des visiteurs pendant les Jeux, nous devons allez plus loin : notre enjeu, ce sont l’ensemble des personnes en situation de handicap qui vivent ou traversent notre ville.

C’est le sens de la mise en accessibilité de l’ensemble des lignes de bus pour 2024 ou encore de notre démarche baptisée « quartier à accessibilité augmentée » qui doit permettre une continuité dans les déplacements et l’identification d’une chaine de services et de commerces accessibles. En 2024, 17 quartiers seront engagés dans ce processus avant progressivement de faire de tout Paris une Ville réellement accessible. La Ville a diffusé des outils de sensibilisation à destination des commerçants, mis à disposition l’expertise des associations expertes et débloqué un fond pour favoriser l’accessibilité des commerces. Des commerçants ont rejoints la démarche. Malgré cela, il faut le reconnaître, nous peinons encore à mobiliser pleinement le tissu parisien qui est confronté à des obstacles réels. Il nous faudra continuer à travailler pour les surmonter. Il faut y arriver !

Vous souhaitez donc impliquer les acteurs économiques à cet effort mais est-ce qu’ils peuvent s’attendre à bénéficier des retombées économiques des Jeux et trouver des débouchés ?

Nous avons des prévisions tangibles : en 2016, une étude du Centre de droit et d’économie du Sport a estimé les retombées économiques de l’évènement pour la France entre 5,3 milliards d’euros et 10,7 milliards d’euros. De manière plus précise, cette année l’Office de Tourisme et des Congrès de Paris a estimé à 15,9 millions le nombre de visiteurs pour les Jeux Olympiques et les Paralympiques, dont 75% de visiteurs non détenteurs de billets amenés à visiter plus largement la Ville. Les bénéfices répartis sur le territoire parisien sont estimés à 2,6 milliards d’euros de dépenses (hors billetterie).

 Paris 2024 a également mis en avant la mobilisation de 150 000 emplois pour les Jeux, principalement et logiquement dans les secteurs du bâtiment, du tourisme et de l’événementiel. Ces chiffres prévisionnels vont évidemment profiter, en partie, à nos acteurs économiques. Ils seront vérifiés par études commandées par l’État qui seront stabilisées après les Jeux. La Ville collabore à ces études pour observer plus finement la dimension parisienne.

Il faut également observer d’ores et déjà des résultats sur les retombées directes des Jeux liés aux marchés d’infrastructures et d’équipements. À la demande de la Maire de Paris et soutenue par les parties prenantes des Jeux, ces marchés ont intégré une clause réservant 25% des marchés aux TPE/PME/Entreprises de l’ESS pour favoriser l’écosystème local. Au premier trimestre 2023, ce sont 375 entreprises parisiennes qui ont eu accès aux marchés des Jeux. Chacun de ses marchés fait l’objet de publication à travers l’ensemble des plateformes existantes et créées pour l’occasion. Par ailleurs, je citais les 25 000 médias accueillis à Paris pendant les Jeux, parmi eux 7000 ne seront pas accrédités par le CIO et viendront à Paris, non pas pour couvrir la compétition, mais pour raconter la Ville hôte et mettre en valeur ses acteurs. C’est pourquoi la Ville leur ouvrira les portes de ce lieu magnifique, le Carreau du Temple, qui accueillera ces journalistes dans des conditions de travail de grande qualité et dans un programme d’observation pour valoriser nos savoir-faire, nos commerçants et notre société civile.

C’est une formidable opportunité en termes d’image. Nous avons vu, notamment à Barcelone 92, Sydney 2000 ou encore Londres 2012 que ces villes ont su renouveler et capitaliser sur les Jeux pour se rendre plus attractives.

Les Jeux sont donc des opportunités mais ce sont aussi des contraintes avec ce concept qui utilise de nombreux espaces publics. Comment allez-vous faire pour limiter les impacts et informer les commerçants ?

Les contraintes en termes de livraison, d’accès et de stationnement vont exister, notamment dans le cœur de Paris. Je sais l’impatience légitime des opérateurs économiques et des commerçants pour connaitre le détail de ces contraintes. Nous la partageons. C’est pourquoi nous sommes en lien étroit et quasi quotidien avec la Préfecture de Police pour que les périmètres concernés et les principes soient stabilisés. La Ville ne peut pas se substituer aux autorités compétentes mais elle joue son rôle auprès d’elles pour relayer les préoccupations de nos commerçants et des acteurs concernés. Et la première d’entre elles, c’est d’être informés et de connaître au plus tôt les contraintes qui s’imposeront à leur activité pendant les Jeux. Je n’ai pas de doute sur l’engagement de la Préfecture de police à pouvoir apporter les bonnes réponses dès cet automne et qu’elle travaille dans le sens du moindre impact pour les Parisiens, riverains, commerçants, travailleurs, employeurs.

En attendant de disposer de ces informations cruciales, nous nous préparons depuis plusieurs mois pour informer les publics impactés. Je ne m’étendrais pas sur les moyens existants qui seront mobilisés, à travers le site de la Ville, le 3975, les flyers et nos publications. Le grand changement est la mise en place d’un CRM : infojeux.paris.fr. C’est une petite révolution à la Ville ! Il s’agira de fournir une information personnalisée et en temps réel à travers différents canaux (SMS, mail, etc.). Choisir un quartier ou tout Paris, la programmation des Jeux, des opportunités commerciales ou des informations pour anticiper d’éventuelles contraintes de circulation. Une entrée est spécialement dédiée aux professionnels pour les accompagner jusqu’à l’évènement. Il faut rappeler que des décisions liées à l’organisation ou à la sécurité peuvent conduire les autorités compétentes à modifier, par exemple, une fermeture de rue ou des horaires d’accès au tout dernier moment. Pour être informé en temps réel via ce dispositif, il est nécessaire de s’y inscrire. L’outil existe, nous l’avons lancé pour la Coupe du monde de rugby. La seule condition pour qu’il puisse permettre cette bonne information auprès des acteurs économiques ou de la logistique, c’est qu’ils s’y inscrivent ! Je compte sur vous au GIE pour nous y aider ! Si cela marche, c’est un moyen de communication qui restera en héritage entre la Ville et les acteurs qui font la ville !

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Vous dites la possibilité de s’informer sur les opportunités des Jeux. Au-delà de la dimension économique, les commerçants auront un rôle à jouer en termes d’animation et de participation à l’ambiance de la Ville ?

Bien entendu ! Si nous avons créé ce dispositif de sites de festivités dans les quartiers, c’est pour mettre en avant les artisans, les commerçants et le tissu local associatif en avant. Chaque arrondissement, chaque quartier, chaque site aura sa spécificité mais cela va drainer du flux et l’ambiance olympique auprès des commerçants ! Nous allons travailler à la programmation dès cet automne en lien avec les Mairies d’arrondissement qui seront les décideuses car les meilleures connaisseuses de leur écosystème. Et nous comptons aussi sur votre créativité, car vos initiatives sont les bienvenues !

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